vendredi 5 mars 2010

"Je ne suis pas un criminel de guerre" me dit Radovan Karadzic, par Anne Humphreys


Interview exceptionelle de Radovan Karadzic reproduite dans le n° 135 de la revue Balkans-Info, revue de réinformation incontournable pour comprendre les enjeux inavouables du procès Karadzic. Premièrement, le journaliste Jean Visconti nous replonge dans le contexte de l'époque :

" Je suis retournée en Bosnie le 27 mai 1996, après un voyage aventureux le long d'une route impraticable, dont notre conducteur craignait qu'elle nous conduise dans le corridor de Gorazde, car dans cette zone opéraient souvent des groupes armés de musulmans. Précisément ce matin-là, on avait retrouvé, à Milici, les restes torturés de trois Serbes. L'IFOR des Etats-Unis avait arrêté dix musulmans, trouvés porteurs d'armes, en violation des accords, non loin du lieu de la tuerie. Les hommes avaient été remis, selon l'usage, à la milicija de Pale. Les Serbes, après les avoir contrôlés et fichés, avaient été obligés de les relâcher, parce qu'il n'existait pas de preuves évidentes qu'ils fussent les auteurs du massacre. Un examen plus approfondi leur a appris que les dix appartenaient à un groupe terroriste musulman appelé "laste" (les hirondelles), et que huit d'entre eux figuraient parmi les "disparus dans les fosses communes de Srebrenica", sur les listes de la Croix Rouge internationale déposées au Tribunal militaire de Zvornik. (note de l'Observatoire : on voit ainsi comment de faux morts ont été ajoutés pour gonfler le montage du « génocide » de Srebrenica)

Je suis arrivée à Pale vers les 11 h 30 du soir. Radovan Karadzic m'attendait dans la nouvelle présidence située en ville. C'était la première fois que j'entrais dans ce lieu. Un palais blanc, simple. Le bureau de Karadzic était vaste, sobrement meublé. Aux murs : les drapeaux aux aigles, ainsi que des symboles et icônes orthodoxes. Au fil des années, ces objets avaient progressivement augmenté par rapport à la première fois où je l'avais rencontré et où son bureau en était totalement privé. Cela pouvait signifier un retour à la religion et au mysticisme, ou simplement une concession à la raison d'Etat. Le Président avait l'air psychologiquement fatigué. Il devait avoir perdu vingt kilos. Il était vêtu de beige clair et paraissait encore plus grand qu'auparavant. Désormais, il était officiellement un criminel de guerre poursuivi. Pendant toute notre conversation , le ton de sa voix a oscillé entre fatigue, désillusion et douleur". Lire l' interview de Karadzic

J.T.M.V. : Après les accords de Dayton, comment considérez-vous la situation actuelle ?

KARADZIC : La situation n'est pas bonne, parce que les musulmans n'adoptent pas une attitude claire par rapport à la paix. Leurs leaders continuent à déclarer publiquement qu'ils prendront la Bosnie toute entière. La lutte n'est pas finie. Le long des frontières entre leur territoire et celui de la République Srpska, les musulmans tentent d'entrer dans nos petites villes pour terroriser les populations. Ils le font pour que la peur et le malaise les poussent à partir. Il faudrait que quelqu'un les arrête. C'est écrit dans le Coran : "Pas de paix !"

Q. : Les forces de l'OTAN n'interviennent pas pour vous protéger ?

R. : Non. Il y en a qui veulent que la tension perdure dans cette région. Je prévois la présence de l'OTAN pendant très longtemps. Nous sommes les victimes de ce genre de jeu politique. La guerre dans l'ex-Yougosla-vie n'a pas éclaté contre la volonté de la communauté internationale, mais par sa volonté. Ceci est très grave pour nous. Quoi qu'il en soit, je peux dire que, pendant les quatre à cinq ans de guerre, les généraux des Nations Unies arrivaient ici avec de lourds préjugés à notre encontre, mais qu'après un mois, ils se rendaient compte de qui était et faisait quoi dans cette guerre. Beaucoup d'entre eux ont été remplacés parce qu'ils avaient acquis trop d'informations et devenaient favorables à notre cause.

Q. : Pensez-vous qu'il y ait un lien entre ce qui se passe ici et les événements qui se déroulent en Israël ?

R. : Il y a toujours des liens. Je comprends ce qui se passe en Israël aujourd'hui. Je ne justifie pas les bombardements de civils au Liban, mais n'importe quel général des Nations Unies peut raconter ce qui nous a été fait par les musulmans à Sarajevo, y compris le général Rose, pourtant toujours très prudent et favorable à la Fédération croato-musulmane qui a répondu publiquement à quelqu'un se plaignant de ce que les Serbes tiraient sur la ville : "Pourquoi, Messieurs, placez-vous votre artillerie à côté d'objectifs civils, faites-vous en sorte de provoquer des représailles Serbes, et déplacez-vous, ensuite, vos positions ?" C'est une habitude des musulmans de Sarajevo de mettre leur artillerie sur des camions, de tirer et de partir. Quand ils nous font des victimes, nous sommes obligés de riposter. A ce moment-là, ils déplacent les camions avec leurs batteries, et appellent les équipes de télévision pour montrer ce qu'ont fait les méchants Serbes. C'est également ce qui se passe dans le sud du Liban avec les Hezbollah. Même politique, mêmes trucs, même logique, même morale.

Q. : D'après vous, ils sont présents aussi en Bosnie-Herzégovine ?

R. : Ils sont ici. Plusieurs centaines.

Q. : La zone de Banja Luka est sous l'aile du commandement britannique de l'OTAN. Il existe, dans la région, une zone musulmane qui devrait être également sous son contrôle et qui, pourtant, est sous contrôle des Etats-Unis. Connaît-on la raison pour laquelle toutes les zones musulmanes sont tenues par les Etats-Unis ? Comme s'ils exécutaient un plan spécial ?

R. : Je ne comprends pas les Américains. Ils se comportent d'une façon totalement irrationnelle. Les USA ont ruiné leurs propres intérêts en Europe et dans les Balkans, pas tant à cause de cette guerre que par leur aide à l'Allemagne et à l'Iran en Bosnie, aide qui, qu'on le veuille ou non, affaiblit l'Europe. Locus minoris resistentiae. Ils ont causé un dommage chronique en armant l'armée musulmane et en soutenant la communauté musulmane ici. Très vite, l'Allemagne prendra le pouvoir, et les Américains se rendront compte qu'ils ont perdu de bons amis, les Serbes, leurs alliés dans deux guerres mondiales. En ce moment, la Russie est en train de faire la paix avec la Chine. Très bientôt, l'Allemagne nouera d'excellentes relations avec la Russie.

Q :. Selon la logique territoriale, la ville de Tuzla aurait également dû être protégée par les Anglais. Que font les Américains à Tuzla ?

R. : Je ne crois pas qu'ils soient en train de travailler à la paix dans cette région. Ils nous empêchent de contrôler le passage de terroristes. Nous avons néanmoins réussi à en capturer quelques-uns. Il n'y a aucun doute sur leur appartenance, parce qu'ils l'ont reconnue. Ils nous empêchent de contrôler les marchandises en transit, pour découvrir l'introduction d'armes. Ceci ne signifie pas que nous n'appliquions pas des contrôles sévères.

Nous devons aussi faire attention aux "vaches folles"; il existe un danger réel qu'il en soit introduit dans nos troupeaux. Personne n'a la permission de transporter des marchandises sans payer un octroi aux musulmans. Nous demandons par conséquent de pouvoir en faire autant. La communauté internationale et les soldats de l'OTAN nous empêchent de nous protéger. Ils se comportent comme une force d'occupation. Nous cherchons à développer chez nos gens, un sentiment amical et de collaboration envers ces jeunes soldats qui ne sont pas responsables d'une telle politique, mais c'est de plus en plus difficile.

Ils empêchent également ma police de faire son travail normal. Nos finances souffrent. Je crains une augmentation du terrorisme, une augmentation des maladies, parce que nous ne pouvons pas contrôler ce qui entre sur notre territoire. A présent, les musulmans réclament le droit de visiter les cimetières dans nos zones. Cette revendication est anormale, parce qu'il ne fait pas partie des traditions islamiques de se rendre dans les cimetières. C'est juste une autre manière de créer de la tension. Ils font faire des manœuvres à leur armée, et je ne crois pas que cela présage quoi que ce soit de bon. Ils appliquent, en fait, la politique de la pression croissante.

Q. : Vous attendez-vous encore à des problèmes de la part des musulmans ?

R. : Chaque jour. Ils essayeront de faire irruption dans nos villages pour y arrêter les gens.

Q. : Comment peuvent-ils arrêter les populations d'une autre nation ?

R. : Avec la protection de l'IFOR tout simplement, en usant de ce qu'on appelle "freedom of moment". Dans les accords de Dayton, il est prévu que seulement dix personnes ont le droit de recourir à cette clause. Il y a cinq mille musulmans ou soldats démobilisés qui cherchent à créer et qui créent des incidents.

Q. : Où vous attendez-vous à ce qu'ils opèrent dans ce sens ?

R. : A Prijedor, Doboj, Tuzla, Brcko. Ils ont essayé dans beaucoup de petites villes. Nous savons tout. Nous avons des gens à nous parmi les musulmans. Ils ne seront jamais enclins à la paix !

Q. : D'après ce que vous me dites, il semblerait que la situation ne se soit pas stabilisée.

R. : Je crois que l'OTAN est ici pour très longtemps. Dans le cadre du Parlement avec la Fédération croato-musulmane, notre Assemblée n'a approuvé en aucune façon l'installation de l'OTAN, sinon pour une période temporaire, excepté le long des lignes de démarcation.

Maintenant, ils veulent déplacer leur quartier général de Gornji Vakuf à Banja Luka, qui est une ville universitaire. Des soldats étrangers, dans une ville de cette espèce, au milieu des jeunes, c'est inconcevable. Nous avons fait savoir que cela allait à l'encontre de notre volonté. S'ils viennent, les Serbes ne feront rien contre eux naturellement, mais cela provoquera un grave mécontentement. Ils sont réellement une force d'occupation. S'il s'agissait d'un contingent anglais et non de l'OTAN, peut-être les considérerions-nous différemment, parce que nous avons de l'estime pour la Grande Bretagne, c'est un pays européen, mais ceci est l'OTAN.

Q. Laure Adler, la journaliste française, dans son livre “L'année des adieux”, qui parle de la dernière année du président Mitterand, rapporte à la page 162 un commentaire du Président, où celui-ci soutient : "(...) les musulmans essayent d'internationaliser le conflit, mais malheureusement, nous ne sommes pas en 1914 et nous n'avons pas un archiduc à leur offrir (...)", et il parle d'un coup de téléphone qu'il a reçu du Secrétaire général de l'ONU, en août 1995, au cours duquel Boutros Boutros Ghali lui a dit que l'obus sur le marché de la rue Markalé1 était une provocation des musulmans.

R. : Oui, et ils se sont tus. Tous ! Aujourd'hui, tout le monde peut voir que la partie serbe de Sarajevo se trouve dans les zones de ceinture. Je peux vous montrer la carte ethnique de la ville. Nos "attaques" consistaient en une simple protection des faubourgs serbes autour de Sarajevo.

Q. : Aujourd'hui, peut-être est-il préférable qu'il n'y ait plus de Serbes autour de Sarajevo. Ils auraient utilisé toutes les excuses pour chercher à traverser vos lignes, si vous étiez restés là où vous étiez.

R. : Vous avez raison. Mais les Serbes de Sarajevo ont payé un prix très élevé. Je dois vous dire qu'initialement, j'ai été très tenté de les faire rester dans les quartiers qui étaient les leurs et d'éviter ainsi cinquante mille nouveaux réfugiés, mais, comme vous voyez, je respecte le désir de mon peuple, je n'abandonne pas mes gens. On ne peut pas les persuader de se battre à moins qu'ils se trouvent en grand péril, et en même temps, personne ne peut les dissuader de se battre et les persuader de rester là-haut ou leur imposer de partir. Les gens simples savent ces choses-là d'instinct. Je ne suis pas un mage, ni un dictateur, j'ai des institutions démocratiques, une opinion publique, une radio et des journaux indépendants, un Parlement. Je ne puis pas faire ce que mes gens ne veulent pas que je fasse. Ils ne veulent pas rester sous la domination musulmane. Vous avez vu ce qui est arrivé en Krajina ? Vous verrez ce qui va arriver en Slavonie orientale. Même si elle ne risque pas de guerre, la population serbe l'abandonnera. Personne ne peut dire que M. Milosevic les pousse à partir. C'est la grande défaite de la nation serbe, en particulier après ce qui est arrivé en Krajina et en Slavonie occidentale.

Q. : Savez-vous ce qui arrive au Kosovo ces jours-ci ?

R. : Je n'ai pas d'informations suffisantes. On m'a dit, cependant, que huit Serbes ont été tués, et qu'on procède à des arrestations dans différentes villes.

Q. : Les gens vivent un peu mieux maintenant, et semblent vouloir oublier la guerre, mais on les sent préoccupés par les nouvelles des morts au Kosovo. Et il court des bruits selon lesquels les sanctions ne seront pas levées, mais au contraire maintenues, parce qu'on a demandé à Slobodan Milosevic de livrer les criminels de guerre.

R. : M. Milosevic ne peut pas nous livrer, parce que nous ne sommes pas des citoyens yougoslaves. Ils peuvent seulement conditionner M. Milosevic pour le Kosovo. Sous le régime communiste, de nombreux Serbes ont quitté la région, les Albanais se sont infiltrés illégalement par milliers, et ils ont occupé le Kosovo. Aujourd'hui, ils réclament des droits sur la base de leur prédominance ethnique. Le fait qu'ils soient une majorité au Kosovo est absolument artificiel. La guerre est une espèce de bombe à retardement, qui peut être mise à feu à tout moment. Quiconque a intérêt à déstabiliser les Balkans et l'Europe commencera par le Kosovo.

Q. : Comment expliquez-vous que la communauté internationale favorise, d'une certaine manière, le président Tudjman et le président Izetbegovic, qui dirigent deux gouvernements d'extrême-droite, au lieu d'être avec vous, qui êtes le président d'une république gouvernée par un parti démocratique ?

R. : Des gens, au Département d'Etat américain, tentent de ruiner la politique étrangère de leur pays, comme s'ils travaillaient pour le compte de l'Allemagne. Je n'y comprends rien, même si je sais que beaucoup de fonctionnaires US ont des vues différentes et discutent âprement pendant les réunions du Conseil de sécurité. Nous avons des ennemis au Département d'Etat américain.

Q. : Que va-t-il arriver, à votre avis, dans un futur proche ?

R. : (un grand soupir) Je crois que nous nous approchons des années au cours desquelles une guerre mondiale est possible.

Q. : Quelle pourrait être la cause du déclenchement ?

R. : Les puissances occidentales essayeront de maintenir la situation telle quelle, sans solution, pour le cas où elles auraient besoin d'une excuse pour une guerre mondiale. La guerre mondiale est productrice d'affaires, comme toute guerre locale. Après la Seconde guerre mondiale, un gros accroissement de la masse financière s'est produit. Je crois que les USA, qui sont la puissance majeure, sont en train de lâcher la proie pour l'ombre en poursuivant la Russie et la Chine. Et je crois que quelqu'un est occupé à ruiner l'Amérique elle-même, à l'intérieur du Département d'Etat. Le monde occidental est en danger. Il y aura une crise grave. J'ai le sentiment d'appartenir à l'Europe, et je suis très préoccupé à cet égard. L'Allemagne tentera de diriger l'Europe, et sera brutale comme toujours. Nous nous apercevrons bien vite que l'Europe n'existe pas sans l'Allemagne et ses satellites germaniques. Je ne suis pas germanophobe. Une grande partie de notre technologie est allemande, et je suis prêt à laisser entrer dans notre pays leurs compagnies, même si je préférerais les américaines, anglaises ou italiennes. Je voudrais vous montrer quelques-unes de nos lettres d'intention. L'Allemagne dirigera l'Europe, mais je ne sais pas ce que fera l'Amérique. Elle voudrait assurer le leadership en Asie, mais aussi être présente en Europe et tenir le continent sous tension. Ce n'est pas la meilleure des politiques.

L'Angleterre, malheureusement, est devenue une nation de second rang. Cela me plairait que l'Italie prenne position. Les Italiens ne nous ont jamais été hostiles, en général. Ils doivent devenir toujours davantage un de ces pays de puissance moyenne, et trouver la manière, avec d'autres, de s'opposer à ce qui s'annonce. Je pense qu'il faut que s'établisse un équilibre des forces, ou tout sera perdu. A la fin, il y en aura forcément un, mais tout dépendra de ce que les autres puissances deviendront. Y aura-t-il une Europe alliée de la Chine ? La Russie et l'Allemagne feront-elles cause commune ? Ou sera-ce l'Allemagne toute seule qui gouvernera l'Europe et en tirera profit ? Aujourd'hui, dans les Balkans, nous assistons à un croisement de pouvoirs entre l'Allemagne et la Turquie, qui tentent d'être les forces déterminantes. Ce sont là des alliances dangereuses, parce que l'Alle-magne a toujours voulu être présente au Moyen-Orient. La route directe vers les champs de pétrole a toujours été pensée à travers les Balkans. C'est notre destin d'être sur le chemin de l'Allemagne vers le Moyen-Orient. Le Danube est le grand problème de la Serbie. S'il ne se trouvait pas sur le territoire serbe, nous serions tous en sécurité. L'Allemagne a creusé une série de canaux qui vont au Danube. Elle a besoin du fleuve et du Moyen Orient, et elle cherche à atteindre ses buts par tous les moyens, y compris la corruption. Si elle devait réussir, les Etats-Unis seraient hors-jeu dans la région. J'aimerais beaucoup voir une politique européenne indépendante, mais je crains fort que ce soit celle d'une Europe germanisée.

Q. : Avez-vous jamais essayé d'ouvrir un dialogue avec le gouvernement allemand ?

R. : Certains de mes ministres, ceux qui ont étudié en Allemagne et aiment la littérature et la philosophie allemande, ont essayé plusieurs fois, mais sans résultats prometteurs. L'Allemagne ne sera jamais notre amie, s'il lui faut choisir entre nous et les Croates et les musulmans.

Pendant les deux guerres mondiales de ce siècle, Croates et musulmans ont été germanophiles, pas américanophiles.

Q. : Quels sont vos rapports avec la Russie ?

R. : Nous avons d'excellentes relations avec les institutions culturelles russes et avec certains fonctionnaires, mais la Russie ne s'engagera pas pour nous.

Q. : Si Boris Eltsine gagnait les élections, croyez-vous que les choses iraient mieux pour vous ?

R. : Je ne sais pas (rire bref). Je voudrais que quelqu'un me dise qui je dois soutenir. La Russie ne nous a pas aidés au Congrès de Berlin, en 1878. Moins encore après la guerre russo-japonaise de 1905. Cela signifie qu'elle ne peut le faire quand elle a des problèmes sérieux. Nos ennemis allemands et croates sont en meilleure position. Pour la première fois, le nazisme croate a eu plus d'alliés que nous. Nous Serbes, non mes compatriotes ou mon parti, mais les Serbes en général, avons été accusés d'être un pays bolchevique, un pays communiste, un pays nationaliste, les étiquettes ont valsé continuellement. La vérité est que nous nous trouvions sur le chemin de l'Allemagne vers l'Est, que nous avons protégé l'Europe de l'Islam, comme au Moyen-Age, et que nous protégeons les pays de l'Est de l'Allemagne. C'est notre destin de nous trouver dans une position géopolitique très difficile. Une autre chose qui contribue à nos malheurs est probablement notre appartenance à l'Eglise chrétienne orthodoxe. Le problème majeur des Serbes, outre le problème géopolitique, est constitué par notre caractéristique nationale de refuser toujours le patronage d'autres puissances. Dans la première guerre mondiale, les Bulgares ont changé d'alliés pour poursuivre la paix, et aussi, d'ailleurs, dans la Seconde guerre mondiale, bien qu'ils fussent comme nous chrétiens-orthodoxes. Ils ont une composante caractérielle qui les a aidés. Les Serbes ne supportent pas de se soumettre à la domination d'un "patron". Nous sommes dans une situation pire aujourd'hui, parce que nous sommes entourés d'ennemis historiques, les Croates et les musulmans, qui se sont souillé les mains à notre égard de toutes les atrocités possibles. Que cela soit clair : ce qui se passe aujourd'hui est la continuation de la Première et de la Seconde guerre mondiales, et les causes sont les mêmes.

Q. : Pensez-vous qu'il y ait un risque de fondamentalisme ?

R. : Chaque Etat musulman risque le fondamentalisme. C'est dans la nature de l'Islam. C'est la seule religion qui invite ses fidèles à tuer les autres, les infidèles. D'après vous, à quoi peut-on s'attendre ?

Q. : Une question importante. Comment vous sentez-vous dans le rôle de criminel de guerre ?

R. : Ah ! j'attendais votre question. Je ne suis pas un criminel de guerre. Je sais que je n'ai fait que ce que je devais faire. L'accusation, selon de fortes preuves, a été portée pour complaire aux musulmans et pour prévenir la découverte de leurs atrocités. Je n'accepte pas cette qualification ! S'il y a des criminels de guerre, ce sont ceux qui ont commis un crime contre la paix, ce sont les pouvoirs politiques qui ont favorisé cette guerre. Au commencement du conflit, pendant quarante-cinq jours, nous, Serbes, n'avions même pas d'armée constituée; mais l'armée secrète musulmane, elle, existait déjà, avec ses bérets verts. L'armée régulière croate opérait normalement en Bosnie, tuant la population et jetant ses victimes dans des fosses communes à Bosanski Brod et à Kupres. L'armée yougoslave devait protéger les diverses parties contre toute attaque. Elle a essayé de faire du bon travail. Nous, Serbes de Bosnie, avons opposé une résistance formée de civils, contre des troupes armées et organisées. Lorsqu'a éclaté le conflit, en 1992, j'ai donné des instructions précises, sur le comportement que devaient adopter nos officiers et nos hommes. Je peux vous fournir les copies de mes dépêches. J'avais formellement interdit les actions de tout groupe individuel qui n'était pas sous les ordres du commandement militaire ou de la police. J'avais aussi menacé de graves sanctions quiconque ne se serait pas mis, dans les trois jours, sous une autorité militaire constituée. Tous ces ordres précis n'ont jamais été annulés et sont encore en vigueur. Ils constituent, juridiquement, des documents valables. Ils ont été officiellement publiés par les médias, dans les jours qui ont suivi leur émission. Aucun de mes officiers n'a jamais donné d'ordres qui auraient permis que se produisent des actes criminels. Notre Cour martiale a jugé 5.000 personnes accusées de crimes, et elle a prononcé 5.000 jugements pendant la guerre. Certains Serbes ont été condamnés à dix, quinze années de prison pour des actes commis contre des musulmans ou contre d'autres Serbes. Toute la documentation est disponible et peut être examinée. Pendant l'été 1992, nous avons dû recréer ex-novo toutes les structures de l'Etat, et tout ce qui était légitimement nécessaire, nous l'avons fait avec notre Parlement, dans le respect des lois. Tout le monde était sous contrôle, sauf les individus isolés qui, de leur propre volonté, se sont battus contre d'autres, comme dans le conflit précédent, et en mémoire de ce qui s'était produit pendant la Seconde guerre mondiale. Moi et mes collègues au gouvernement, sommes tous hautement professionnels, et nous ne nous serions jamais mêlés à d'aussi tragiques errements ; nous avons, de même, reconnu et refusé le fascisme des Croates et des musulmans. M. Izetbegovic, pendant la Se-conde guerre mondiale, a porté l'uniforme nazi allemand. Il existe, pour le prouver, des photos, des articles de journaux, et nous savons qu'il a été déclaré coupable par un tribunal, pour avoir fait partie d'un groupe de jeunes nazis musulmans, Handzar, dont le modèle spirituel était le mufti de Jérusalem, Muhammad Amin al-Husayni. En 1991, il a écrit une déclaration islamiste, publiée à Sarajevo, dans laquelle il souhaitait que l'Islam s'étende de l'Indonésie à l'Europe. Nous, Serbes, connaissions aussi M. Tudj-man, ses insignes d'oustachi et sa même rhétorique de la Seconde guerre mondiale. Aujourd'hui, nous protégeons la démocratie du nazisme croate et l'Europe du fondamentalisme islamique qui lui pend au nez, mais nous sommes les "criminels".

Q. : Vous n'avez jamais pensé à dénoncer ceux qui attaquent votre image devant une cour internationale ?

R. : (Rire amer). Si j'avais confiance dans les institutions internationales, je leur présenterais des preuves, mais je n'ai pas confiance du tout. Personne ne peut y croire. J'ai interdit qu'on me défende, parce que ce n'est pas là une cour de justice. Ce prétendu Tribunal est une institution absurde et illégale. J'ai interdit qu'on m'y défende, si je suis arrêté. Je n'y présenterai aucune preuve, parce que je ne le reconnais pas. Vous voulez agir contre mes compatriotes ? Vous êtes les plus forts, allez-y, mais ne me demandez pas de coopérer.

Q. : Si les soldats de l'UNPROFOR ve-naient frapper à votre porte pour vous arrêter en vous accusant de crimes de guerre, comment se comporterait la Républika Srpska ?

R. : Je suis très bien protégé, non seulement par l'armée et par la police, mais aussi par la population civile. Quoi qu'il en soit, je n'entends pas traiter avec ce tribunal, parce que je ne le reconnais ni politiquement ni juridiquement. Il a été fondé sur des bases illégales par le Conseil de sécurité et non par l'Assemblée générale de l'ONU. Il n'aurait pas dû naître sur un principe discriminatoire, mais plutôt s'occuper des crimes de toutes les guerres. Des crimes des nazis et des Croates pendant la Seconde guerre mondiale, des crimes des Américains en Corée, au Vietnam et au Cambodge, de tous les conflits internationaux des cinquante dernières années. Dans ce cas, j'aurais accepté de me présenter et d'apporter les preuves à ma décharge. (D'un ton décidé) Je ne respecte pas cette institution. Comment des avocats et des juges sérieux peuvent-ils siéger dans ce tribunal et faire l'impasse sur les crimes que les Croates et les musulmans ont commis contre les Serbes ? Ils sont très précisément au courant des faits, mais ils servent la politique dictée par les Etats-Unis et leurs alliés. Ils ne méritent pas le respect ! Vous êtes la première journaliste à qui je déclare qu'il y a des preuves évidentes que je ne suis pas un criminel de guerre. Je n'ai pas le moins du monde l'intention de me défendre. Ils sont allés trop loin. Ils se gardent bien d'enquêter sur qui a vraiment commencé la guerre. Je vous rappelle que la Républika Srpska n'est pas le résultat de nos actes. On nous avait offert de constituer notre unité ethnique en Bosnie trois semaines avant que la guerre éclate. Le 18 mars, pendant la conférence de Lisbonne, nous avons accepté de signer l'accord sur une Bosnie composée de trois Etats ethniques. Le traité avait été accepté par les musulmans, par les Croates et par les Serbes. Peu après, les musulmans ont renoncé à l'accord et déclenché la guerre. Le soir du 4 avril, ici, à Sarajevo.

Q. : Mais que ferez-vous concrètement, s'ils arrivent à votre porte ?

R. : Je leur dirais : "Je ne viens pas avec vous. Vous devez me tuer ou me capturer par trahison. Et si vous y arrivez, vous n'aurez pas une parole de moi." Un jour, quelqu'un aura honte de ce tribunal. Ceci n'est certainement pas la fin de l'Histoire ni du temps, et quelqu'un, un jour, reconnaîtra l'injustice et la honte, l'insulte faite à la loi et à la culture occidentale par cette cour mise sur pied pour juger les Serbes, pas les criminels.

B. I. n° 135, septembre 2009.

Interview par J.T.Marazzani-Visconti

Photos Shone.

1 Episode clé de la guerre : le chef des musulmans de Bosnie, Alija Izetbegovic, fit délibérément tirer des obus de mortier sur un marché de civils musulmans pour en faire porter le chapeau aux Bosno-serbes, ainsi démonisés. Cet événement, exploité politiquement et médiatiquement, fournira la justification morale à l'Otan afin de déclencher l'opération Deliberate Force. Alija Izetbegovic, islamiste et fin stratège, reçu le soutien de François Mitterrand ainsi que celui de Bernard Henri Lévy...Le même procédé fut utilisé par lles terroristes de l'UCK lors de l'épisode du "massacre" de Racak où les victimes d'un combat régulier entre Forces serbes et l'UCK, furent déguisés en civils. Ainsi se justifiera le bombardement de Belgrade avec des bombes au phosphore, tuant des civils et mettant au chomâge 500 000 personnes...A quand un TPI pour juger les crimes de guerre de l'Otan ?

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